La traditionnelle journée du 8 mars nous a fourni l’occasion de rassembler certaines études et prises de position sur la place des femmes dans les entreprises. Avec une particularité cette année car grâce à la loi Copé-Zimmerman, le sujet a été distillé très régulièrement en 2011.
De l’inégalité salariale…
Dans l’Etude Mercer 2012 – Ecart de rémunération des dirigeants, Romain Bureau, Senior Partner en charge de l’activité de conseil en Capital Humain, explique avec raison que les inégalités salariales entre les femmes dirigeantes et les hommes dirigeants n’ont pas vraiment comme cause principale le genre. Mais que si l’on regarde les critères d’ancienneté, d’expériences, de parcours, de types de métiers… on trouve des causes beaucoup plus profondes d’inégalités salariales. Et il ajoute «l’éducation joue également un rôle dans la permanence de cette situation », si les hommes et les femmes ne se restreignent pas dans leur ambition de carrière, alors la ségrégation des métiers sera ébranlée et les entreprises réussiront le pari de la diversité. Cela peut constituer un avantage compétitif pour les entreprises car le vivier des talents augmentera, l’innovation et la créativité seront stimulées. »
… à l’inégalité sociétale
Sylvie Brunet (Membre du Bureau de l’ANDRH) et Maryse Dumas, membres du CESE vont encore plus loin dans leur analyse des causes sociétales des inégalités professionnelles dans leur bilan de l’application des dispositifs promouvant l’égalité professionnelle Hommes-Femmes,) élaboré dans le cadre du Comité Economique, Social et Environnemental. Elles mettent l’accent sur le déficit de négociation collective sur le sujet (insuffisance des diagnostics, absences d’accords en nombre suffisant sur le sujet et d’objectifs concrets et quantifiables). L’étude pointe bien sûr le fait que les plus diplômées restent sous-représentées dans les instances de décision (14 % d’administratrices dans les 500 plus grandes sociétés françaises, 21 % dans les emplois de direction de la Fonction publique d’État) et que les moins qualifiées cumulent les discriminations : travail à temps partiel (féminisé à 82 %) sous-emploi et bas salaires. Parmi les principales sources d’inégalité l’étude mentionne les stéréotypes sexistes (publicités, médias, manuels scolaires) qui influent sur l’orientation professionnelle des filles et contribuent à la sectorisation persistante des domaines d’activité et des métiers. Sectorisation qui amène les écarts salariaux expliqués dans l’étude de Mercer…. et la boucle est bouclée.
Sur le thème l’ANDRH avait quant à elle organisé un colloque en novembre dernier en donnant la parole exclusivement à des femmes !
Un sujet traité sous différents angles avec des prises de position parfois convergentes, parfois contradictoires, et une ambigüité toujours présente sur ce type de sujet : faudrait-il que les femmes aient un apport spécifique dans un conseil pour qu’elles y aient leur place ? Le rôle des DRH a été à plusieurs reprises été cité comme crucial pour faire avancer les femmes vers les instances de Direction et à terme les Conseils.
Le rôle des DRH : faire progresser l’égalité professionnelle pour assurer la performance et préparer la parité
C’est aux DRH que l’on demande aujourd’hui de mettre en place des pratiques RH qui permettront de combler l’écart entre ce que nous propose la société « civile » et ce que l’on demande aux entreprises. Au-delà de la question de savoir si cette activité de « réparation » est normale, elle est de toute façon incontournable.
Quand on voit l’évolution des entreprises et de leur environnement, on comprend bien que les entreprises qui prennent en compte la multiplicité des intelligences et donc celles des hommes et celles des femmes auront un avantage décisif (1).
Cela commence par des pratiques de recrutements qui permettront de « sur-représenter » les candidats d’un genre ou d’un autre pour mieux équilibrer une population, qui permettront de convaincre les opérationnels de recruter une femme enceinte si c’est « la » candidate !
Cela se poursuit par une vigilance accrue sur les parcours professionnels, les opportunités de mission, les propositions de formation : savoir proposer la prise en charge d’un gros projet à une jeune mère de famille, sans faire à sa place la réponse « qu’elle n’aura pas le temps », savoir proposer des formations MBA à des jeunes femmes et aller chercher des talents qui ne se montrent pas toujours… Sur le terme de la parentalité et de l’équilibre vie professionnelle- vie personnelle, veiller à ce que les pratiques de l’entreprise ne privilégient pas les femmes et ne les enferment pas dans leur statut de « mère ». Accepter aussi bien les demandes venant des pères pour les congés pour les enfants, les temps partiels, les places de crèche… c’est au global faire progresser les représentations que les managers se feront de la place des hommes et des femmes dans l’entreprise et préparer l’entrée des femmes dans les instances dirigeantes. (2)
Je terminerai par la proposition qui peut être faite à des femmes cadres dans l’entreprise d’être administrateurs dans des filiales ou des sociétés « amies » et leur donner ainsi la possibilité de prendre de nouveaux rôles, de se faire connaître et de préparer l’avenir.
Tout cela est possible et demande de la conviction, une bonne capacité d’influence et de construire dans la durée…. qualités classiques pour un DRH.
(1)Depuis les travaux publiés par Howard Gardner en 1983, nous savons que l’intelligence est multiple : linguistique, logico-mathématique, musicale, kinesthésique, spatio-visuelle, interpersonnelle et intra-personnelle… Dix ans plus tard, les ouvrages de Daniel Goleman nous ont, eux, fait connaître l’importance de l’intelligence émotionnelle.
Les derniers apports des neurosciences nous confirment que notre fonctionnement cérébral est extrêmement complexe et que si tous les cerveaux humains se ressemblent, chaque cerveau est unique, façonné tout au long de la vie dans le cadre de son environnement, par les apprentissages et les expériences vécues. Des différences à la marge qui font la différence et qui rendent chacun d’entre nous unique. Des différences que nous allons retrouver aussi entre hommes et femmes. Les publications récentes sur le sujet confirment des différences statistiques, même si elles peinent à établir de manière consensuelle si l’on est plus dans le domaine de l’inné ou dans celui de l’acquis, et peu importe d’ailleurs.
(2) Pour faire le point sur le sujet, vous pouvez vous référer au Quizz de l’APEC
Première publication le 12 mars 2012